Comment résister à l’ubérisation de l’immobilier?

Internet ne tue pas les agents immobiliers, elle les incite à se dépasser.

L’ubérisation de l’immobilier… certains en parlent mais le terme n’est pas bon. Avec lui, on mélange tout. Il est connoté, polémique. Il fait référence à la société Uber qui, à coup d’innovations et de services, a révolutionné le transport à la personne. Derrière ce mot, évidemment, il y a l’innovation, Internet… qui, aujourd’hui, font partie intégrante de nos vies, de tous les secteurs de l’économie, mais il y a aussi la face cachée de la société Uber : rappelez-vous Uber Pop, un service désormais illégal, qui permettait à des particuliers de s’improviser chauffeur avec leur propre véhicule pour arrondir leurs fins de mois. Et parler d’ubérisation de l’immobilier, c’est risquer un parallèle hâtif entre les agents et les taxis. Il y a dans les deux cas un déficit d’image. Mais les études sur les agents immobiliers montrent, qu’en réalité, la perception qu’en ont les particuliers s’améliore nettement après avoir eu recours à leurs services. Le terme ubérisation évoque également pour certains le risque de professionnels moins bien formés, moins protégés, moins bien payés…

Mais par la digitalisation, l’enjeu est d’offrir le meilleur service au consommateur.

Si on ne parle plus d’ubérisation, mais de digitalisation, il faut regarder si ces nouvelles technologies peuvent apporter des solutions nouvelles susceptibles d’améliorer la satisfaction client. Parce que tout l’enjeu est là : offrir le meilleur service au consommateur. Et, dans l’immobilier, il y a fort à faire : il existe un climat de défiance vis-à-vis de la profession. Le particulier a plusieurs griefs, il est frustré par l’opacité du marché. Tout ce flou le laisse perplexe. Et il ne comprend pas non plus, avant d’avoir travaillé avec lui, ce qu’un agent immobilier peut lui apporter !

La part de marché des agents immobiliers ne fait que croître depuis 1945 : 5 % en France à cette date, contre 70 % aujourd’hui. Quelle leçon faut-il en tirer ?

Internet donne de plus en plus d’informations et de pouvoir aux particuliers, ce qui n’empêche pas la part de marché des agents de progresser. Le partage de l’info, la notation des agents, la transparence… permettent un rapprochement entre professionnels et particuliers. Non, les nouvelles technologies ne tuent pas les agents immobiliers. Elles mettent en avant les bons et forcent tout le monde à expliquer sa valeur ajoutée et à progresser.

Les attentes des clients ? Une vraie connaissance des quartiers, une capacité à déterminer et à expliquer un prix, une compétence juridique et commerciale… une opportunité de monter en gamme pour les agences, de se réinventer ! Si les taxis s’étaient remis en cause plus tôt, Uber ne connaîtrait pas le succès qu’on lui connaît !

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#AGENCE DU FUTUR

L’immobilier n’échappera pas à une Uberisation

Un titre d’article plutôt alarmiste, mais qui n’en reste pas moins pertinent. L’immobilier est sur le point de se faire « uberisé » : comprenez par là que le marché est mûr pour qu’une innovation bouleversant les règles vienne s’installer. Lors de la conférence FF2I « L’immobilier face à la disruption », le sujet des futures innovations majeures dans l’immobilier et de comment s’y préparer a été abordé. Rodolphe Roux, ancien de chez Pierre et Vacances, qui dirigeait la conférence, est revenu sur les raisons pour lesquelles l’immobilier a bien raison de trembler. 

COMMENT UBER, AIRBNB ET CONSORTS ONT-ILS FAIT POUR BOULEVERSER LEURS MARCHÉS? 

Pendant la conférence, M. Roux a fait l’analogie entre l’immobilier, le tourisme et le transport par taxi. Des secteurs similaires à l’immobilier et touchés par les technologies de rupture. Ces secteurs ont vu apparaître de nouveaux acteurs profitant des apports des technologies de l’Internet pour créer de nouveaux services en adéquation avec les usages des clients. Observer ces secteurs et comment la rupture est intervenue nous permet d’avoir des indices sur ce qui pourrait survenir pour le marché immobilier.

LE TOURISME, UN SECTEUR À PRENDRE POUR EXEMPLE

Le tourisme est un secteur qui a souffert et souffre encore de la rupture. Une mauvaise préparation et deux services innovants qui viennent changer les habitudes des consommateurs sont les facteurs à l’origine de cette rupture. 

Pour le tourisme, Airbnb a permis la mise en relation de millions de propriétaires particuliers en leur permettant de rentabiliser leur habitation durant leurs absences. Une situation qui permet aux particuliers de contourner par eux-mêmes le monopole des hôtels, auberges de jeunesse et autres habitations de vacances. Toute l’hôtellerie est touchée par cette rupture et les hôtels de luxe n’affichent plus que 50 % de remplissage là où 4 ans auparavant, 90 % de leurs chambres étaient réservées.

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Un autre exemple qui a été cité dans le secteur du tourisme est celui du site Booking.com. Site spécialisé dans la réservation d’hôtels en ligne et qui explique son succès notamment par la non-préparation des hôteliers à Internet. Le site est intervenu à un moment où le marché hôtelier était très peu équipé en termes de système de réservations sur Internet et où la clientèle était de plus en plus demandeuse de ce type d’offres. La société a également offert aux consommateurs un endroit où trouver toute l’offre globalisée, un maximum d’informations et des avis de la part de leurs semblables.

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Booking est l’exemple typique d’un site Internet venant grappiller des parts de marché aux acteurs historiques du marché en proposant un nouveau lieu où l’offre est centralisée. Airbnb a, quant à lui, créé une vraie rupture en proposant l’accès à une nouvelle offre avec de nouveaux intermédiaires. Cette rupture a évolué avec, et fait évoluer, les attentes des consommateurs en leur offrant un nouveau choix.

Le pouvoir d’achat des clients s’est transformé en « vouloir d’achat ». Ce qui signifie que désormais les clients choisissent de dépenser leur argent dans le système qui leur paraît le plus « juste ». 

UBER : LE CAS D’ÉCOLE DE LA RUPTURE

Uber, vous en avez sûrement entendu parler, est un système de VTC où on commande son chauffeur grâce à son smartphone.  Le service a su tirer parti de multiples évolutions apportées par Internet et les smartphones. Un service de chauffeurs qu’on commande du bout du doigt, géolocalisé et le tout en à peine 3 étapes. Un fonctionnement ultra simplifié et répondant à toutes les questions des utilisateurs (Combien cela va-t-il me coûter? Quand est-ce qu’il arrive?) pour coller aux attentes des utilisateurs, voilà la recette miracle employée par Uber.

En offrant aux utilisateurs une nouvelle offre, le service transforme encore le pouvoir d’achat en vouloir d’achat. La preuve en est tous les émois que provoque le service d’Uber adulé par certains et détesté par d’autres. 

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POURQUOI L’IMMOBILIER EST-IL MÛR POUR UNE INNOVATION STRUCTURELLE? 

UN MARCHÉ QUI REMPLIT LES CARACTÉRISTIQUES DE LA RUPTURE

Durant la conférence, M. Roux nous a expliqué quelles étaient les caractéristiques que remplissaient les secteurs sensibles aux technologies de rupture. En faisant ceci, il nous démontre que l’immobilier est lui aussi un domaine qui remplit ces caractéristiques. 

  • Les marchés qui subissent la rupture sont ceux qui représentent des sommes très importantes. L’immobilier est un secteur qui s’évalue en trillions de dollars. 
  • La rupture intervient sur des marchés ou les métiers sont riches en caricatures. Les clients se plaignent des agents immobiliers de la même manière qu’ils le font des taxis ou des hôteliers.  
  • Nous sommes dans un moment où l’arrivée d’une nouvelle génération de clients sur le marché fait évoluer le « pouvoir d’achat » en « vouloir d’achat ». Les clients ont déjà certaines préférences dans l’immobilier : si certains veulent passer par des particuliers, d’autres préfèrent la stabilité des professionnels. 

Toutes ces caractéristiques, le secteur immobilier les partage avec le tourisme et le transport. C’est ici qu’on se rend compte que ce n’est qu’une question de temps avant de voir débarquer un « Airbnb de l’immobilier ». Il y a tout juste quelque temps, nous vous parlions sur ce site de Curb Call, un service que nous avions découvert au RENT 2015, qui se présente lui-même comme le Uber de l’immobilier.

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COMMENT RÉAGIR FACE À LA RUPTURE DANS L’IMMOBILIER? 

NE JAMAIS SOUS-ESTIMER UNE NOUVELLE TECHNOLOGIE

L’erreur qu’il est facile de réaliser lorsqu’on est en face d’une évolution majeure sur son marché, c’est de ne pas y croire. À chaque innovation structurelle, on rencontre des irréductibles qui clament que cela ne va pas durer. C’est parfois une position qui pousse ces mêmes personnes à fermer la porte quelque temps plus tard.  

Durant la conférence, Rodolphe Roux a cité l’exemple de la chaîne AccorHotels, qui a décidé de vendre via son propre site Internet des séjours dans des hôtels n’appartenant pas à son groupe. Une initiative qui a permis à AccorHotels de concurrencer des sites tels que Booking.com. C’est ce type d’initiatives que l’immobilier va devoir prendre. 

VOUS DEVEZ SANS CESSE CHERCHER À RÉINVENTER LE MARCHÉ IMMOBILIER

Dans l’immobilier, il faut que vous vous demandiez comment vous pouvez vous adapter aux futures évolutions. Que fait la concurrence? Comment puis-je intégrer cela de façon complémentaire à mon business? Il faut dépasser les problématiques habituelles de communication pour se questionner sur les nouveaux modèles d’entreprise, l’évolution des usages et constamment chercher à imaginer son secteur d’une façon différente.

C’est une position très difficile à adopter, mais c’est le meilleur moyen de ne jamais se retrouver face à un mur. Pour ce qui est de vendre des services complémentaires, nous avons l’exemple d’OMMi.com, qui vend les services d’artisans à proximité des biens qu’il loue. Une preuve que l’immobilier est un marché où il est possible de s’adapter, et, dans ce cas-ci même, de prévenir.  

illustration sur le crowdfunding immobilier

LES TECHNOS/INNOVATIONS/CHANGEMENTS D’USAGE À SURVEILLER

Pour savoir comment vous préparer, il faut également savoir ce qu’il faut surveiller. Quelles sont les technologies et innovations capables de nous amener à modifier les modèles d’entreprise de l’immobilier ou à bouleverser les usages? Voici quelques pistes à surveiller pour éviter d’être pris de court le jour où de nouveaux services pointeront le bout de leur nez. 

  • La désintermédiation : Une autre raison qui nous pousse à penser que l’immobilier est un marché propice à l’arrivée de tels services est que c’est un marché où la désintermédiation est totalement possible. Comprenez par là qu’il est déjà possible aujourd’hui pour les particuliers de se passer d’agent immobilier et justement des évolutions sont encore bien possibles de ce côté-là. Lorsque nous regardons Uber ou Airbnb, ces deux services proposent eux aussi une désintermédiation dans ses secteurs.
  • Les services faisant évoluer le financement de biens immobiliers : Des services tels que le crowdfunding immobilier ou un système facilitant le shared housing, technique qui consiste à acheter ou à rentabiliser à plusieurs une propriété est le type de services qui, grâce à Internet, pourrait bien connaître ses heures de gloire, remettant alors en cause le financement et l’exploitation d’une propriété immobilière. 
  • Les maisons et objets connectés ont également été pris en exemple comme possible évolution de l’offre commerciale des professionnels de l’immobilier. Ces engins, capables d’optimiser l’utilisation énergétique d’une propriété, pourraient par exemple devenir une norme dans les offres commerciales des agences. On pourrait également voir apparaître des maisons capables d’envoyer des informations et de faire leur propre promotion auprès d’acheteurs qualifiés au préalable. Ces technologies pourraient révolutionner le rapport entre la personne et son habitation, faire communiquer l’immobilier.
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Cette conférence se conclut en nous laissant un monde de possibilités devant les yeux. Une chose est certaine, les prochaines années vont être riches en évolutions et il faut s’y préparer. Les agents immobiliers vont devoir faire évoluer leurs modèles d’entreprise et leurs offres commerciales afin de se servir de la prochaine innovation sectorielle pour leur propre bénéfice. En surveillant les technologies capables de renverser le marché, vous vous protégez de l’arrivée d’un acteur capable de cannibaliser le business pour, au final, vous placer en situation de dépendance. De notre côté, on veille au grain pour vous prévenir de l’arrivée de toutes les innovations, celles qui vont bouleverser le marché et qu’il faudra appréhender, et celles qui seront simplement génératrices de business pour vous.